Lundi 25 Septembre 2023
Le Pr André Cabié est infectiologue référent REB et chef du service de maladies infectieuses et tropicales à l'ESR Martinique
Pouvez-vous caractériser l'épidémie en cours aux Antilles ?
L'épidémie de dengue actuelle est toujours en phase exponentielle (depuis le 23/08, 128 passages hebdomadaires au SAU suivis de 25 hospitalisations, dont 15 en réanimation et 6 décès – données SpF. Comme en 2020 mais de manière moins intense à ce stade, elle est associée à une vague de covid. La quasi-totalité des patients sont infectés par le sérotype 2 (DENV-2), en Martinique comme en Guadeloupe, avec des formes digestives et notamment des diarrhées augmentant le risque de déshydratation.
La phase critique de la maladie se situe entre le 4e et 6e jour, ou une fuite plasmatique peut survenir et évoluer très rapidement vers une hypotension et une défaillance hémodynamique. Un des enjeux est de savoir à combien de jours du début des symptômes se trouve le patient, pour intervenir de manière précoce en phase critique sans pourtant hospitaliser systématiquement même si les plaquettes sont très basses.
Quels sont les enjeux et points d'attention ?
Les personnes les plus à risques sont les drépanocytaires SS, SC et Sß, qui ont un surrisque majeur de forme grave, nécessitant une hospitalisation systématique : plus de 30% des personnes qui décèdent aux Antilles sont drépanocytaires. Ces personnes nécessitent un recours hospitalier (urgences, UHCD, HdJ…) dès J1 des symptômes avec le plus souvent une hydratation parentérale pour passer la phase critique. Les autres situations à risque sont les âges extrêmes, la grossesse, l'obésité et les autres maladies chroniques. Les petits nourrissons sont toujours hospitalisés et, en cas de montée en charge, il est intéressant de mettre en place une filière dédiée pour tous les enfants, dans la limite du capacitaire en pédiatrie.
La double épidémie (dengue-covid) est un facteur majeur de saturation du système hospitalier. La régulation par le centre 15 est donc essentielle, avec des critères d'hospitalisation et de sortie précis (DMS de 3-4 jours en l'absence d'autre pathologie), pour éviter l'embolisation des urgences. D'autant que certains patients ne consultent pas, par difficulté d'accès à la médecine de proximité ou absence de sensibilisation au risque ; ainsi chaque décès est suivi d'un pic de consultations.
La gestion doit se faire dans une vision globale des différentes épidémies simultanées, en mettant l'accent sur les capacités diagnostiques, d'autant plus cruciales quand les symptômes sont proches, comme c'est actuellement la cas entre dengue et covid.
Qu'avez-vous appris des épidémies précédentes ?
Nous, infectiologues référents REB, intervenons pour la description de la maladie, les procédures et l'expertise scientifique et technique. Une régulation a été mise en place en amont avec le SAMU et des réunions sont organisées avec l'ARS, le SAMU et la CPTS sur le circuit patient, incluant le pré-hospitalier et le retour au domicile. Notre comité technique de suivi des arboviroses inclut des professionnels de la ville et de l'hôpital, y compris les laboratoires, la CIRE et la partie entomologique ; il est activé dès le début de l'épidémie et conseille l'ARS, puis le préfet selon la phase épidémique.
Nous avons actualisé les procédures de prise en charge - diffusées par l'ARS à tous les professionnels – et réalisé des formations, en particulier auprès des professionnels nouvellement arrivés. Nous développons notre astreinte REB, qui double l'astreinte infectieuse depuis la période covid. Nous nous assurons que les laboratoires (ville et hôpital) peuvent suivre la montée en charge pour confirmer les diagnostics. Des filières spécifiques sont mises en place selon la phase de l'épidémie. Enfin, nous avons lancé la démoustication et commandé des répulsifs pour personnels et patients. Avec l'expérience, nous avons appris que la réflexion doit être menée de manière globale.
Surveillance de la dengue aux Antilles. Point au 14 septembre 2023 (SpF)
Foire aux questions sur la dengue. 18 septembre 2023 (ARS Martinique)
Pouvez-vous caractériser l'épidémie en cours aux Antilles ?
L'épidémie de dengue actuelle est toujours en phase exponentielle (depuis le 23/08, 128 passages hebdomadaires au SAU suivis de 25 hospitalisations, dont 15 en réanimation et 6 décès – données SpF. Comme en 2020 mais de manière moins intense à ce stade, elle est associée à une vague de covid. La quasi-totalité des patients sont infectés par le sérotype 2 (DENV-2), en Martinique comme en Guadeloupe, avec des formes digestives et notamment des diarrhées augmentant le risque de déshydratation.
La phase critique de la maladie se situe entre le 4e et 6e jour, ou une fuite plasmatique peut survenir et évoluer très rapidement vers une hypotension et une défaillance hémodynamique. Un des enjeux est de savoir à combien de jours du début des symptômes se trouve le patient, pour intervenir de manière précoce en phase critique sans pourtant hospitaliser systématiquement même si les plaquettes sont très basses.
Quels sont les enjeux et points d'attention ?
Les personnes les plus à risques sont les drépanocytaires SS, SC et Sß, qui ont un surrisque majeur de forme grave, nécessitant une hospitalisation systématique : plus de 30% des personnes qui décèdent aux Antilles sont drépanocytaires. Ces personnes nécessitent un recours hospitalier (urgences, UHCD, HdJ…) dès J1 des symptômes avec le plus souvent une hydratation parentérale pour passer la phase critique. Les autres situations à risque sont les âges extrêmes, la grossesse, l'obésité et les autres maladies chroniques. Les petits nourrissons sont toujours hospitalisés et, en cas de montée en charge, il est intéressant de mettre en place une filière dédiée pour tous les enfants, dans la limite du capacitaire en pédiatrie.
La double épidémie (dengue-covid) est un facteur majeur de saturation du système hospitalier. La régulation par le centre 15 est donc essentielle, avec des critères d'hospitalisation et de sortie précis (DMS de 3-4 jours en l'absence d'autre pathologie), pour éviter l'embolisation des urgences. D'autant que certains patients ne consultent pas, par difficulté d'accès à la médecine de proximité ou absence de sensibilisation au risque ; ainsi chaque décès est suivi d'un pic de consultations.
La gestion doit se faire dans une vision globale des différentes épidémies simultanées, en mettant l'accent sur les capacités diagnostiques, d'autant plus cruciales quand les symptômes sont proches, comme c'est actuellement la cas entre dengue et covid.
Qu'avez-vous appris des épidémies précédentes ?
Nous, infectiologues référents REB, intervenons pour la description de la maladie, les procédures et l'expertise scientifique et technique. Une régulation a été mise en place en amont avec le SAMU et des réunions sont organisées avec l'ARS, le SAMU et la CPTS sur le circuit patient, incluant le pré-hospitalier et le retour au domicile. Notre comité technique de suivi des arboviroses inclut des professionnels de la ville et de l'hôpital, y compris les laboratoires, la CIRE et la partie entomologique ; il est activé dès le début de l'épidémie et conseille l'ARS, puis le préfet selon la phase épidémique.
Nous avons actualisé les procédures de prise en charge - diffusées par l'ARS à tous les professionnels – et réalisé des formations, en particulier auprès des professionnels nouvellement arrivés. Nous développons notre astreinte REB, qui double l'astreinte infectieuse depuis la période covid. Nous nous assurons que les laboratoires (ville et hôpital) peuvent suivre la montée en charge pour confirmer les diagnostics. Des filières spécifiques sont mises en place selon la phase de l'épidémie. Enfin, nous avons lancé la démoustication et commandé des répulsifs pour personnels et patients. Avec l'expérience, nous avons appris que la réflexion doit être menée de manière globale.
POUR EN SAVOIR PLUS (documents à télécharger) :
ARS Martinique / CHU de Martinique / SpF (sept. 2023) :
CHU de Martinique (sept. 2023) :
- Informations et recommandations au patient en cas de suspicion de dengue ou de dengue confirmée chez l'adulte
- Fiche d'information au patient sur les précautions à prendre en cas de baisse des plaquettes au cours de la dengue
Surveillance de la dengue aux Antilles. Point au 14 septembre 2023 (SpF)
Foire aux questions sur la dengue. 18 septembre 2023 (ARS Martinique)