Fièvre hémorragique Crimée-Congo (FHCC) : 3 questions à Matthieu Revest

Jeudi 25 Avril 2024
Le Pr Matthieu Revest est infectiologue à l'ESR Rennes et membre de la Commission spécialisée Maladies infectieuses et maladies émergentes du Haut Conseil de Santé publique (HCSP).

Quel est le risque de FHCC actuellement en France ?
Le HCSP a été saisi il y a un an pour proposer des mesures de prévention de la FHCC, après la découverte de tiques infectées dans le sud de la France. La tique Hyalomma marginatum, vectrice du virus, est présente dans tout le sud de l'Europe (source ECDC), incluant plusieurs départements français. Il existe régulièrement des cas humains de FHCC en Turquie et une douzaine de cas ont été recensés en Espagne depuis 2012. En 2023 et pour la première fois, le virus a été retrouvé chez des tiques dans le sud-est de la France. D'après les épidémiologistes, le risque d'infection humaine sur le territoire français est réel, lié en particulier aux activités en plein air, entre mars et septembre.
La maladie peut être transmise par une piqûre de tique et, secondairement, par contact proche avec une personne infectée, via les liquides biologiques incluant les relations sexuelles (le préservatif est recommandé jusqu'à 6 mois après la guérison d'un patient). En l'absence de signes hémorragiques, le risque de transmission à l'entourage est faible. Dans ce contexte, il est important que les soignants, comme la population générale, connaissent les mesures de prévention, incluant, pour les activités en extérieur, le port de vêtements longs et l'usage de répulsifs spécifiques.

Quelles sont les recommandations pour le repérage et la prise en charge ?
Toute suspicion de FHCC doit conduire à contacter l'infectiologue référent REB de l'ESR régional (astreinte REB ou à défaut via le 15). Il y a suspicion dès qu'une personne, dans les 9 jours précédents :
  • a été piquée par une tique Hyalomma identifiée dans une zone à risque, et se présente avec de la fièvre et un syndrome pseudo-grippal,
  • ou bien a été piquée par une tique inconnue et se présente avec de la fièvre et des signes hémorragiques (éventuellement accompagnés d'un syndrome pseudo-grippal).
Il y a également suspicion si une personne a été en contact dans les 14 jours précédents avec les liquides biologiques :
  • d'un patient FHCC confirmé, et se présente avec de la fièvre et éventuellement un syndrome pseudo-grippal,
  • ou d'un animal potentiellement porteur (lapins/lièvres, cervidés, chevaux, bovins) dans la zone à risque (agents d'abattoirs, chasseurs, cuisiniers…) et se présente avec de la fièvre et des signes hémorragiques.
Dès repérage, le patient doit être isolé et ses mains désinfectées par friction avec une solution hydro-alcoolique (SHA), tandis que le professionnel mettra un masque, des lunettes et une blouse de protection imperméable, se désinfectera les mains (SHA) et pourra référer à son équipe d'hygiène. Les déchets doivent être séquestrés jusqu'à infirmation/confirmation du diagnostic et l'environnement désinfecté. Les autres mesures sont prises en lien avec l'infectiologue référent, qui fera le lien avec le Centre National de Référence des Fièvres Hémorragiques Virales (CNR FHV) et signalera éventuellement le cas à l'ARS et l'ANSM.

Quels sont les traitements possibles de la FHCC ?
Le traitement, à mettre en oeuvre avec l'infectiologue référent, est avant tout symptomatique : réhydratation au besoin parentérale, support hémodynamique et transfusionnel au besoin, voire suppléance d'organe. En parallèle, il est recommandé de traiter d'éventuels diagnostics différentiels (infection bactérienne, paludisme) en attendant le résultat des examens. Enfin, il existe un traitement curatif par Ribavirine, à discuter dès classement du patient en cas possible et, dans le cadre d'autorisations particulières (accès compassionnel dans l'indication FHCC), en administration précoce. Ce traitement est également recommandé en post-exposition, par exemple, en cas d'accident d'exposition à un risque viral (AEV) du professionnel de santé. Rappelons également qu'il peut être nécessaire de débuter des traitements probabilistes des éventuels diagnostics différentiels : la suspicion de FHCC rend difficiles voire impossibles les examens à visée microbiologique et il ne faut surtout pas prendre de retard de traitement d'éventuelles autres infections dans l'attente de la confirmation/infirmation de FHCC.
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