Laboratoire P4 : 3 questions à Delphine Pannetier

Vendredi 17 Mars 2023
Le Dr Delphine Pannetier, pharmacienne spécialisée en virologie et directrice adjointe du CNR des Fièvres Hémorragiques Virales, est responsable de la valorisation scientifique et du diagnostic au Laboratoire P4 Inserm Jean Mérieux dédié à l'étude des agents pathogène du groupe de risque 4.
1/ Quelles sont les spécificités d'un laboratoire P4 ?
Un laboratoire biologique de niveau P4 permet, grâce à un niveau de confinement maximal, d'étudier les agents infectieux hautement pathogènes pour l'homme appartenant au groupe de risque 4. Les pathogènes sont en effet classés selon leur niveau de risques associés à une infection humaine, leur létalité, le mode de transmission, et l'existence ou non de traitements ou de vaccins, le groupe de risque 1 étant le moins dangereux et le groupe de risque 4 le plus dangereux. Dans le groupe 3 on trouve par exemple la tuberculose, le VIH, la grippe H1N1, le SARS-CoV-2... alors que dans le groupe 4 on trouve les fièvres hémorragiques virales (FHV, type Ebola), la variole, et des pathogènes émergents encore inconnus pourraient également y être classés si nécessaire. La liste est définie par arrêté.
A chaque type de laboratoire (P3, P4…) correspond donc un niveau de sécurité biologique (NSB3, NSB4…) conçu afin de protéger l'environnement, les travailleurs et la collectivité des risques infectieux, en combinant des installations sécurisées, du matériel de protection individuelle adapté et des procédures et formations spécifiques et extrêmement rigoureuses.
Le P4 correspond ainsi au niveau de sécurité maximal avec une enceinte de confinement étanche, des systèmes de traitement de l'air (laboratoire en dépression et filtration absolue de l'air extrait), des systèmes de traitement des déchets et effluents, et dans laquelle on travaille dans des scaphandres en surpression.  

2/ Quelles sont les missions du Laboratoire P4 Inserm Jean-Mérieux ?
Créé à Lyon en 1999 et placé sous la responsabilité de l'Inserm depuis 2004, il s'agit du seul laboratoire P4 civil en France. C'est une plateforme technique d'exception, ouverte à toute la communauté scientifique, publique ou privée, nationale ou internationale. Les équipes du laboratoire permettent ainsi la mise en oeuvre de nombreux programmes de recherche pilotés par différentes institutions. Le laboratoire P4 propose aussi aux chercheurs qui en ont besoin une aide matérielle, la réalisation d'expérimentations in vitro et in vivo, ainsi que leur expertise scientifique et technique.
Les axes de recherche portent sur tous les agents pathogènes de niveau 4 et concernent la recherche fondamentale, la recherche de moyens thérapeutiques et prophylactiques, ou encore le développement d'outils de diagnostic. Le Laboratoire P4 est en outre le laboratoire associé du centre national de référence (CNR) des fièvres hémorragiques virales, une structure cruciale en matière de santé publique en France, et dont l'une des missions essentielles est le diagnostic H24 des agents pathogènes de groupe de risque 4 en cas de suspicion sur le territoire national. La souche Ebola Makona, responsable de la plus importante flambée épidémique à virus Ebola en Afrique de l'Ouest entre 2014 et 2016, a ainsi été identifiée en 2014 au sein de ce laboratoire par l'équipe du CNR FHV.

 3/ Quelle est la particularité de votre programme de formation ?
Du fait de la nature de ses activités, le laboratoire P4 forme ses propres personnels mais aussi des expérimentateurs d'équipes extérieures souhaitant réaliser des expérimentations in vitro en zone de confinement pour des projets sur le long terme.
Les stagiaires suivent une formation de 3 semaines sur la base de demi-journées de travail dans le laboratoire P4, qui inclut des aspects théoriques et pratiques (réglementation MOT, virologie, sécurité biologique…), avant de se voir délivrer un passeport d'accès au laboratoire si l'évaluation théorique et pratique de leurs compétences est validée par le formateur.Ce passeport, initialement vert pour un personnel junior, évoluera graduellement en autonomie via un passeport orange (minimum 200h de travail en P4) jusqu'à un passeport rouge pour un personnel senior capable d'encadrer les passeports verts (minimum de 400h de travail en P4) . Au cours de la formation, et en permanence sous la surveillance d'un formateur habilité, les stagiaires passent progressivement du statut d'observateur à celui d'acteur autonome, travaillant d'abord sur cellules non infectées puis sur les pathogènes de classe 4 afin d'acquérir les automatismes leur permettant de travailler en toute sécurité.
La formation peut bien évidemment être interrompue à tout moment si le stagiaire ne respecte pas les procédures ou n'acquière pas les compétences requises. De même, pour les personnels déjà formés, une évaluation périodique des compétences est mise en place afin de vérifier l'absence de dérives, et un passeport peut être retiré à tout moment en cas de non respect des procédures ou des règles de sécurité. Le strict respect des procédures est en effet la clef pour protéger à la fois l'environnement et le personnel, et aucun manquement ne peut être toléré. Un recyclage des compétences (basé sur une semaine de travail) permettant la remise à niveau des personnels est également obligatoire après toute absence d'au moins un an.
Pour en savoir plus :
-    Site web du laboratoire Inserm - Jean-Mérieux 
-    Brochure de l'INRS « les risques biologiques sur les lieux de travail »
-    Liste des centres nationaux de référence (CNR) sur le site de Santé publique France
 
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